Accord européen pour lutter contre la crise énergétique
La crise énergétique majeure que rencontre aujourd’hui l’Union européenne a amené en mars à des réponses d’une ampleur inédite sur sa politique gazière, à la fois à court et à long terme.
Dès 2005, des tensions commerciales entre la Russie et l’Ukraine, pays de transit des gazoducs vers l’Ouest du continent, avaient alerté les Européens sur les risques posés par leur approvisionnement en gaz russe (qui représentait alors 41% de leurs importations). La réponse avait été double: d’un côté, mieux diversifier les pays fournisseurs (Norvège, Algérie et Qatar, voire Azerbaïdjan), et de l’autre, développer des réseaux russo-européens alternatifs (gazoduc North Stream vers l’Allemagne et projet South Stream, via la Mer Noire, abandonné en 2014). Aujourd’hui, l’UE importe toujours de Russie 45% du gaz dont elle a besoin (soit 157 milliards de mètres cubes, ou mmc), 25% de son pétrole et 45% de son charbon.
Le déclenchement et la poursuite du conflit en Ukraine a amené la Commission européenne, qui avait discrètement mis en place en interne une "Task Force Gaz" dès la fin 2021, à proposer de couper des deux tiers les importations de gaz russe d’ici la fin de l’année 2022. Mais ce défi, pesant sur la "sécurité énergétique" de l’UE, vient s’ajouter à une augmentation mondiale des prix des énergies fossiles, pour laquelle les Etats de l’Union demandent depuis l’automne 2021 à la Commission des assouplissements, notamment sur les prix à la consommation.
Aussi la Commission a proposé dès le 8 mars, les bases d’un nouveau plan d’actions dénommé RePowerEU, puis des mesures de court terme dans une communication complémentaire le 23 mars, les gouvernements en avalisant les grandes lignes lors des Sommets européens des chefs d’Etat qui se sont succédés fin mars.
D’une part, la Commission avait envisagé dès octobre 2021 une "boite à outils" comportant des propositions d’assouplissement des règles du marché intérieur et de la concurrence. Elle confirme la fixation dès la mi-mai de règles permettant aux Etats, dans ces circonstances exceptionnelles de réguler les prix de l’énergie au niveau des consommateurs et limiter l'effet de contagion de la hausse des prix du gaz aux prix de l'électricité. Le plafonnement des prix du gaz (sur les marchés de gros) fait encore l’objet d’un débat entre Etats membres, et la proposition de la Commission de taxer les bénéfices des entreprises énergétiques semble difficile à mettre en œuvre.
Sur la problématique des aides d’Etat, elle autorise un soutien temporaire en matière de liquidités à toutes les entreprises mises en difficulté, sous forme de garanties et de prêts subventionnés, et une aide pour les coûts supplémentaires dus aux prix exceptionnellement élevés du gaz et de l'électricité.
D’autre part, les États membres et la Commission se sont mis d’accord pour travailler ensemble de toute urgence sur l'achat commun volontaire de gaz, de GNL et d'hydrogène à travers une plateforme d'achats communs. Cela constitue une avancée majeure dans la politique de l’énergie en Europe, comparable au premier choc pétrolier de 1973 qui avait, sur proposition de la Commission, amené les Etats membres à adopter pour la première fois des normes de réserves minimales de pétrole.
Sur le recours accru au gaz naturel liquéfié (GNL), l’UE a reçu le 25 mars un appui important des États-Unis qui ont promis de lui livrer au moins 15 mmc supplémentaires de GNL en 2022, puis 50 mmc par an jusqu’en 2030, soit le tiers des exportations russes (en comparaison les Américains avaient livré 22 mmc en 2021 aux Européens).
La Commission déclinera en mai dans son plan d’action définitif les moyens de diversifier les sources de stockage (pour remplir les stock à 80% d’ici l’hiver prochain) et de production européenne de gaz, en accentuant aussi l’effort de la PAC (politique agricole commune) en faveur de la production de biométhane (objectif de production de 35 mmc par an d’ici 2030), et en accélérant le déploiement du marché de l'hydrogène (10 Mt supplémentaires d’hydrogène importé de sources diverses et 5 Mt supplémentaires d’hydrogène produit en Europe).
Options de la Commission pour réduire les prix élevés de l'énergie (23 mars)
Conclusions sur les prix de l’énergie du Conseil européen des 24 et 25 mars