Un rapport indépendant sur l’avenir de la politique de cohésion
Le 20 février s’est tenue la présentation officielle du rapport préparé par le Groupe à Haut Niveau de spécialistes sur l’avenir de la politique de cohésion après 2027.
Prenant la parole en introduction, la Commissaire européenne Elisa Ferreira a jugé que la politique de cohésion était plus importante que jamais pour les transitions. Bien que la politique ait déjà évolué par le passé, notamment pour répondre aux crises, la commissaire a indiqué que pour être efficace, elle devra encore s’adapter.
Mentionnant la création du Groupe il y a un an (voir article Début des travaux du groupe d’experts sur l’avenir de la politique de cohésion | Europe (europe-en-nouvelle-aquitaine.eu)), la commissaire a rappelé que l’objectif était de réunir une expertise et une analyse indépendantes. Elisa Ferreira a insisté sur le fait que le rapport était une source d’inspiration et un cadre de référence robuste, mais qu’il ne représentait pas la position officielle de la Commission européenne.
Quant au Commissaire Nicolas Schmit, il a déclaré que la politique de cohésion était une partie essentielle du projet européen et qu’elle avait une importance clé pour demain, ce qui n’est pas une évidence pour tous, certains considérant qu’elle relève du passé. Selon lui, la politique de cohésion doit être meilleure et plus forte. Que certaines régions ou pays souffrent de différentiels importants n’est pour lui pas acceptable, car cela constitue une perte majeure pour l’ensemble de l’Union.
Le Président du Groupe, le Professeur Andres Rodriguez-Pose, a ensuite pris la parole pour présenter les principaux éléments du rapport. Pour les membres du Groupe, la politique de cohésion est essentielle, il ne peut pas y avoir d’Europe sans cohésion.
Revenant tout d’abord sur les résultats considérables de la politique de cohésion depuis 1989, Andres Rodriguez-Pose a ensuite déroulé les quatre questions qui structurent le rapport : pourquoi avons-nous besoin de la cohésion ? Qu’est-ce que la politique de cohésion et que devrait-elle faire ? Comment la politique de cohésion devrait-elle changer ? Et avec qui la politique de cohésion devrait-elle collaborer ?
Pour répondre à la question du "pourquoi", le rapport des experts part de plusieurs constats:
- Les défis auxquels l’UE fait face sont énormes. En termes de compétitivité, l’Europe a eu récemment une croissance très limitée voire négative, en comparaison d’autres zones dans le monde. Ce défi est accompagné d’une forte polarisation des activités économiques dans les capitales et les grandes métropoles, ce qui créé de grandes disparités à l’intérieur des pays. Certaines régions se trouvent ou risquent de se trouver bientôt dans des "pièges de développement". Le manque d’opportunité caractérise certains territoires.
- Les défis identifiés impliquent des risques pour l’UE: de nature économique, pour sa compétitivité interne et mondiale, avec un risque de stagnation économique à long terme. D’autres risques sont de natures sociale et politique : les citoyens qui vivent dans des zones peu développées ou piégées se sentent ignorés, ce qui crée du mécontentement et un désintérêt croissant pour le projet européen. Ce phénomène se reflète dans les urnes, avec une forte augmentation du vote pour les partis eurosceptiques.
Face à ces constats, la politique de cohésion, qui cimente les Européens, doit être fidèle à sa vocation: une politique systémique, qui tire le meilleur parti du potentiel de chaque territoire au profit de l’UE dans sa globalité. Si les talents sont répartis de façon plus ou moins équitable en Europe, les opportunités ne le sont pas. Il faut donc que la politique de cohésion aide les pays en proie au piège de développement, apporte plus de justice territoriale et réduise les inégalités interrégionales. Le rapport propose de s’émanciper des catégories de régions, en se fondant davantage sur les défis à relever et sur leur intensité (développement faible/manque de dynamisme économique/manque d’opportunités). Il faut continuer d’investir dans les régions moins développées mais aussi prévenir l’arrivée du piège de développement.
Au "comment ?", le rapport insiste sur une politique au cas par cas, qui réponde aux besoins spécifiques des régions et qui leur permette de se réinventer selon leur point de départ, en misant sur la coopération, la diversification et le travail en réseau pour prospérer.
Face au problème de la qualité des institutions, qui varie fortement en Europe et qui sape – entre autres – l’efficacité des investissements de la politique de cohésion, les spécialistes proposent de faire de ce sujet un des piliers de la politique, au même titre que les infrastructures, le capital humain ou l’innovation.
Le rapport appelle aussi à un renforcement de la gouvernance multiniveau de la participation des parties prenantes, notamment des groupes marginalisés.
Au sujet des crises, la cohésion doit contribuer à faire face aux défis mais ce n’est pas un mécanisme d’urgence, c’est une politique proactive de prévention.
Concernant le budget de la politique de cohésion après 2027, il devrait augmenter en raison des besoins et défis identifiés. A minima, ce budget devrait correspondre, en termes réels, à celui de la période 2021-2027.
En outre, la politique de cohésion doit miser sur les synergies, la collaboration avec d’autres initiatives. Les politiques européennes (et nationales) doivent travailler en symbiose. Un cadre stratégique commun unissant compétitivité, cohésion et d’autres politiques (dont le développement rural, l’innovation et la défense) devrait être établi au sein du Semestre européen.
Sur l’élargissement, le rapport insiste sur le rôle de la politique de cohésion pour intégrer les futurs États membres, ce qui ne devra toutefois pas se faire au détriment des régions actuelles de l’UE.
Au total, le Groupe à Haut Niveau a élaboré 23 recommandations pour l’avenir de la politique de cohésion.
Après des réactions de Younous Omarjee, Président de la commission du Développement régional au Parlement européen, d’Emil Boc, Président de la commission Cohésion territoriale au Comité européen des régions, du président du Conseil économique et social européen et de la Présidence belge du Conseil de l’UE, ainsi que quelques échanges avec les personnes présentes, Karl-Heinz Lambertz, membre du Groupe à Haut Niveau, a conclu le débat en rappelant que malgré ce rapport, tout le monde n’était pas convaincu de la pertinence et de la nécessité de la politique de cohésion, que le combat ne serait pas gagné avant que le prochain budget pluriannuel de l’UE soit adopté et que les recommandations du rapport constituaient surtout un argumentaire pour défendre la politique.
Le rapport : Forging a sustainable future together - Publications Office of the EU (europa.eu)