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UE 2021-2027: L’avenir de la Politique Agricole Commune, plus qu’une "évolution" ?

Le 1er juin 2018, la Commission européenne (CE) a publié ses propositions législatives pour la Politique Agricole Commune (PAC) après 2020. Si la structure de la PAC en deux piliers (paiements directs et développement rural) est conservée, le mode de gouvernance proposé est quant à lui largement réformé et donne aux Etats membres d’importantes marges de manœuvre. Les négociations au niveau européen s’annoncent difficiles et fortement liées à la question budgétaire. En effet, la PAC est considérablement impactée par des coupures allant jusqu’à 25% pour le développement rural (FEADER).

Depuis plusieurs mois, Phil Hogan, Commissaire en charge de l’Agriculture et du développement rural prévenait: la future PAC sera une évolution, pas une révolution.

Et en effet, sur le fonds, la CE ne propose pas de changements majeurs de politique publique. Si le commissaire met en avant des dispositifs de redistribution des aides aux petits "véritables" agriculteur (plafonnement à 100 000 € d’aides, définition de véritable agriculteur, etc.), l’étude fine de ces mesures révèlent un impact marginal sur le terrain. Par exemple, le plafonnement des aides ne concernerait que 0,3% des exploitations en France. En outre, la conditionnalité renforcée intégrant les mesures du verdissement actuelles et les schémas environnementaux ne semblent enthousiasmer ni la profession, ni les ONG environnementales.

La nouveauté majeure de la proposition est dans la nouvelle forme que pourrait prendre la PAC. Ce nouveau modèle de gouvernance dont le point névralgique serait l’élaboration, par chaque Etat, d’un plan stratégique national unique. La CE y voit la solution pour une PAC plus simple et flexible, ainsi que l’opportunité de passer à une logique de performance basée sur les résultats. Ces plans stratégiques exposeront la manière dont chaque pays propose d’atteindre les objectifs généraux de la PAC au moyen d’interventions menées au titre des deux piliers. La CE, quant à elle, sera chargée de l’approbation, du suivi et de l’évaluation de ces plans (via un rapport annuel de performance notamment). Ce nouveau modèle pose de nombreuses questions. D’une part, beaucoup de voix s‘élèvent pour dénoncer une renationalisation de la PAC, les propositions conférant trop de marge de manœuvre aux Etats membres. Ceci est porté notamment par de nombreux députés européens, qui  s’inquiètent également de se voir évincés d’une large part de la PAC puisque le détail des politiques sera défini par des actes délégués ou d’exécution de la CE ou directement par les Etats membres. D’autre part, quelle place ce nouveau modèle de gouvernance laisserait-il aux régions et plus largement à la prise en compte de la diversité des territoires ?

A ce stade, les négociations sont principalement focalisées sur les questions budgétaires. Face aux critiques des députés européens sur la baisse du budget consacré à la PAC, le Commissaire Phil Hogan a mis les Etats membres face à leurs responsabilités (seuls quelques Etats, Pays-Bas en tête, souhaitent voir réduire les aides PAC). Il a également réitéré l’importance d’avancer au plus vite dans les négociations afin de parvenir à un accord avant la fin de la mandature de l’actuel Parlement (mai 2019) et éviter ainsi tout retard de mise en œuvre, calendrier jugé intenable par beaucoup de députés.