Proposition de budget européen 2021-2027: la Commission se livre à un exercice d’équilibriste
Le 2 mai, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, a présenté la proposition de Cadre Financier Pluriannuel (CFP) 2021-2027 devant le Parlement européen. C’est le premier budget européen à vingt-sept, sans le Royaume-Uni. L’enjeu pour la Commission européenne (CE) était de proposer un budget de nature à compenser la perte sèche engendrée par le Brexit et à financer de nouvelles priorités (défense, migrations, climat) sans trop tailler dans la PAC et la Cohésion, politiques auxquelles sont attachées de nombreux Etats membres.
Pour répondre à ces contraintes, la CE propose d’augmenter le plafond des engagements à 1,11 % du RNB à vingt-sept Etats membres contre 1 % actuellement à vingt-huit, ce qui correspond globalement à un budget stable par rapport à la période actuelle. Cela fait pour 7 ans 1279 milliards € en prix courants.
Des propositions pour mettre en place de nouvelles ressources propres sont également avancées: taxe carbone, taxe plastique, impôt sur les sociétés. Elles pourraient représenter 12% du budget total de l’UE soit, selon le Commissaire Oettinger, la moitié du "trou" laissé par le Brexit. Enfin, la Commission propose la suppression progressive des rabais.
La politique de cohésion et la PAC sont les plus impactées. Leur part dans le budget communautaire passe globalement de 70 à 60 %.
Pour les nouvelles priorités, 33 milliards € seront consacrés à la gestion des frontières extérieures, des migrations et des flux de réfugiés (dont la création d’un corps de 10.000 gardes-frontières). 27,5 milliards seront consacrés à la sécurité et à la défense, dont un fonds européen de la défense (projets collaboratifs de R&D et développement industriel) de 13 milliards.
La Commission propose également de doubler le budget d’Erasmus, pour atteindre 30 milliards €, et de renforcer le programme européen pour la recherche et l’innovation (Horizon Europe) avec un total de 100 milliards sur sept ans. Enfin, le "plan Juncker" sera poursuivi au travers d’un fonds unique regroupant différents instruments financiers, Invest EU, doté de 15,2 milliards €.
Afin de répondre à l’effort de lutte contre le changement climatique, la Commission propose un fléchage de 25 % de tous les programmes sur les questions climatiques. Le programme Life quant à lui sera augmenté de près de 60% (5,4 milliards) avec un volet "Action Climatique" ouvert aux énergies durables.
La principale nouveauté de ce budget, saluée d’ailleurs par les eurodéputés, est l’introduction d’une conditionnalité liée au respect de l’Etat de droit, introduite par le truchement d’une conformité au règlement financier.
Les maîtres mots de ce budget sont rationalisation et simplification: moins de programmes, centrés sur la valeur ajoutée européenne, avec des règles simplifiées et une plus grande flexibilité pour répondre aux imprévus.
Une baisse pour la cohésion, mais une politique pour l’ensemble des régions européennes
La clé de répartition des fonds se ferait pour l’essentiel sur un critère de PIB, mais avec l’introduction de nouveaux critères tels que l’emploi des jeunes, le changement climatique ou l’accueil des migrants. Cette clé de répartition devrait permettre de préserver une politique de cohésion en légère baisse mais pour l’ensemble des régions françaises. Par ailleurs, la Commission propose une augmentation des taux de cofinancement national et un renforcement du lien avec le semestre européen.
Le sort du FSE n’est pas très clair. Doté de 100 milliards €, il resterait au sein de la cohésion, dont il constituerait 27% des dépenses, mais serait par ailleurs regroupé avec d’autres initiatives sous un chapeau "capital humain".
Des inquiétudes sur la PAC
La PAC est, avec la politique de cohésion, la politique la plus impactée par une baisse budgétaire. Le Commissaire à l’Agriculture Phil Hogan a ainsi confirmé une baisse du budget de la PAC de 5% par rapport à la programmation actuelle. Cela reviendrait notamment à une baisse des paiements directs de l’ordre de 3,9% par an et par agriculteur en France. A noter que la Commission propose à nouveau l’instauration d’un plafonnement obligatoire des paiements.
Le Président Juncker souhaite une adoption du CFP et des règlements pour les différents fonds (qui doivent être publiés entre fin mai et mi-juin) sous cette législature européenne, à savoir d’ici le printemps 2019, afin que les programmes puissent démarrer au 1er janvier 2021. Pour rappel, le Parlement européen n’est pas compétent sur le volet ressources, il donne simplement son approbation sur le CFP. En revanche, le Parlement européen est en codécision sur les règlements sectoriels.
La communication sur le CFP du 2 mai
Les différents documents relatifs à la proposition de CFP