Le Parlement européen prépare son positionnement sur le futur budget européen
Le 11 décembre 2025, les rapporteurs sur le futur cadre financier pluriannuel (CFP) ont présenté aux membres de la commission en charge du budget une première monture, comprenant des chiffres, de la position du Parlement européen. Le rapport final servira de mandat de négociation face aux Etats.
Le "rapport intérimaire" est la réponse à la proposition de la Commission européenne de juillet (voir article La Commission européenne dévoile sa proposition pour le prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034 | Europe (europe-en-nouvelle-aquitaine.eu)). Fruit d’une coopération entre les deux principaux groupes politiques, il est corédigé par le député européen roumain Siegfried Mureșan du groupe de droite (PPE) et la portugaise de gauche (S&D) Carla Tavares. Ce travail en commun est aussi mené avec le groupe centriste (Renew) et les Verts.
En termes de chiffres, les rapporteurs estiment qu’il faudrait augmenter le CFP à hauteur de 1,27 % du RNB, en séparant des programmes européens les 0,11 % du remboursement NGEU, pour un total de 1,38 % du RNB contre 1,27%. Ce serait, selon eux, le seul moyen de répondre aux nouvelles priorités (sécurité, défense, compétitivité) sans baisser les moyens pour la PAC et les politiques de cohésion.
D’ailleurs, concernant le premier pilier, les députés demandent 886,25 Mrds d’€, soit une augmentation de 11%, hors remboursement NGEU. Ce montant est considéré comme un minimum absolu afin que l’Union puisse relever les défis majeurs dans un contexte économique et social très difficile, le fossé de compétitivité et l’aggravation des crises climatique et de biodiversité.
Les rapporteurs regrettent que la proposition de la Commission européenne des plans de partenariat régional et national (PPNR) fusionne différentes politiques en un seul plan, ce qui génère une incertitude importante quant à la prévisibilité du financement pour les bénéficiaires finaux. A ce titre, le rapport s’oppose à la fusion de différentes politiques (PAC et cohésion) dans les plans par Etat. Il rejette toute évolution vers une Europe "à la carte", qui permet à chaque Etat de fixer ses priorités sans cadrage européen. Le texte n’affiche pas pour le moment la défense de la gouvernance multiniveau, du rôle des régions et de l’approche partenariale mais les corapporteurs se sont exprimés à plusieurs reprises en faveur, et attendent des amendements en ce sens.
Concernant le deuxième pilier sur la compétitivité, les rapporteurs saluent l’augmentation substantielle pour la recherche, l’autonomie stratégique, la transition durable, la défense, la souveraineté technologique et la résilience économique. Mais ils alertent toutefois sur la consolidation des programmes au sein du Fonds de compétitivité qui réduit la transparence et limite la capacité du Parlement à garantir un financement approprié pour des objectifs politiques spécifiques.
Le rapport salue le renforcement du troisième pilier comprenant l’Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale (NDICI). Et il appelle à une augmentation de la réserve pour l’Ukraine si le conflit se poursuit.
Globalement, les députés estiment que le passage de l’architecture du CFP de sept à quatre piliers et la réduction du nombre de programmes (de 60 à 19), introduisent un manque de clarté des objectifs. En réponse, le rapport propose en annexe une nomenclature composée de lignes budgétaires permettant de mieux identifier les programmes.
Sur les éléments de "simplification" proposés, les rapporteurs rappellent que ceux-ci ne doivent pas faciliter le travail de la CE mais qu’ils doivent avant tout s’adresser aux bénéficiaires finaux.
Les rapporteurs saluent la nouvelle proposition d’un suivi horizontal de la "performance" budgétaire, mais s’inquiètent de la généralisation de l’utilisation de financements non liés aux coûts.
Si le texte reconnaît la nécessité de flexibilité, il rejette d’ores-et-déjà fermement toute approche qui sacrifierait la transparence. Il demande un rôle accru des prérogatives de contrôle budgétaire par le Parlement européen. De plus, afin de garantir une meilleure prédictibilité, il est demandé de trouver un meilleur équilibre entre prévisibilité et adaptabilité des investissements car certains domaines politiques exigent une plus grande stabilité de financement que d'autres.
Les députés s’expriment en faveur des instruments proposés hors CFP permettant d’emprunter au niveau européen (dont Catalyst Europe) afin d’avoir une capacité à réagir rapidement aux imprévus. Ils demandent de rajouter une "Réserve de Solidarité pour les catastrophes naturelles" qui serait abondée des budgets non dépensés tout au long du CFP.
Enfin, pour financer le CFP, le Parlement européen en appelle au Conseil de parvenir rapidement à un accord sur de nouvelles ressources propres afin de générer un flux stable et suffisant de recettes d'au moins environ 60 Mrds d'€ par an. Il invite à explorer une taxe sur les grandes plateformes numériques.
Le rapport intérimaire sera alimenté par les avis des autres commissions et avis sur les règlements sectoriels (voir article Le Parlement européen s’accorde sur la répartition des dossiers concernant le futur budget européen | Europe (europe-en-nouvelle-aquitaine.eu)). En avril 2026 la commission au Budget adoptera sa position qui sera présentée en plénière de mai. L’objectif affiché est de commencer les négociations dès juin pour trouver un accord fin décembre 2026 soit un an avant le début du CFP en janvier 2028.
En parallèle, le Conseil avance pour trouver des compromis entre les Etats. Les 18 et 19 décembre, il est prévu que les chefs d’Etats et de gouvernement s’accordent sur la nomenclature du CFP avant d’entamer la question des chiffres.