
La Commission présente ses premières orientations pour le futur budget européen
Le 12 février 2025, la Commission européenne a publié sa feuille de route, "La voie vers le prochain cadre financier pluriannuel" (CFP) pour le budget 2028-35. Après un long constat sur le CFP actuel, elle dépeint les enjeux et priorités européennes actuelles et à venir et esquisse les premières pistes de la future architecture.
La feuille de route débute par des constats politiques éclairants sur les principales préoccupations de la Commission: défense, migrations, élargissements, avec un fil conducteur "compétitivité" et "sécurité". Il s’agit de compétitivité tant industrielle que pour les PME, des préoccupations pour le secteur agricole (services écosystémiques, un revenu équitable, etc.), tout en continuant le green deal (dont l’eau) mais aussi la cohésion.
Le statu quo n’est alors plus possible selon la Commission qui éclaire enfin sa philosophie présentée en 2024 dans les orientations politiques et lettres de mission des commissaires d’un "budget fondé sur des politiques plutôt que sur des programmes", plus focus, plus simple et ayant plus d’impact.
Par l’idée d’un budget "plus focus", elle entend mettre en place un mécanisme de pilotage des priorités, de lier davantage le processus Semestre européen (réformes) avec les investissements européens et de renforcer les synergies entre fonds.
Un futur budget plus simple impliquerait de ne pas continuer le système actuel considéré comme trop fragmenté (50 programmes), trop rigide (90% du budget est préalloué). Si la lenteur de la mise en œuvre des fonds européens est critiquée, la Commission reconnait toutefois objectivement les raisons (délais d’adoption des règlements, excès de règlements, concurrence avec les Plans de relance/FRR, etc.).
La Commission souhaite un budget ayant plus d’impact (ou plus adapté aux besoins), en permettant de mobiliser les investissements publics/privés (InvestEU et autres). Une dose de performance nécessaire dont un intérêt pour le Financement Non Lié aux Couts (FNLC). Globalement, l’idée est d’apporter une plus grande flexibilité et une concentration sur la performance pour favoriser des résultats tangibles, et décaisser les fonds lorsque les objectifs convenus sont manifestement atteints.
La Commission soumet aussi un premier croquis d’architecture du futur CFP autour de trois piliers:
- Un plan pour chaque pays, assorti de réformes et d’investissements clés et axé sur les priorités communes, y compris la promotion de la cohésion économique, sociale et territoriale. Une politique de cohésion et de croissance renforcée, axée sur les régions, qui doit être conçue et mise en œuvre en partenariat avec les autorités nationales, régionales et locales. Le rôle des régions dans la gouvernance et le lien cohésion/semestre européen restent toutefois à définir dans le contexte des plans uniques nationaux proposés.
- Un Fonds européen pour la compétitivité établissant une capacité d’investissement qui soutiendra les secteurs et technologies stratégiques essentiels pour la compétitivité de l’UE. Le Fonds regrouperait une douzaine de programmes actuels, dont ceux en faveur de la recherche et de l’innovation, du numérique et de la défense. La Commission souhaiterait également pouvoir contribuer financièrement aux projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC). L’architecture globale du Fonds resterait la moins prescriptive possible. Elle permettrait à la Commission "d’accompagner les projets européens tout au long du parcours d’investissement, de la recherche à la fabrication en passant par l’expansion et le déploiement industriel. [Le Fonds] contribuera également à mobiliser les investissements privés et à réduire les risques liés à ceux-ci".
- Un financement de l'action extérieure plus efficace, ciblé et aligné sur les intérêts stratégiques.
D’autres inconnues demeurent, certains programmes/politiques ne sont pas cités, comme les transports, Erasmus, Europe Creative. La grande absente est aussi la PAC. Les premières rumeurs prévoyaient son intégration dans le "plan unique par Etat". Une idée qui est rejetée par la COPA-COGECA (FNSEA) et 27 autres organisations du secteur y voyant un risque trop élevé de flexibilité, de réaffectation entre fonds.
L’autre sujet d’importance concerne le financement du budget. La Commission pousse toujours pour de nouvelles ressources propres d’autant qu’elle estime que le remboursement du Plan de relance et de ses intérêts à partir de 2028 jusqu’en 2058, s’élèvera à hauteur de 20% du budget actuel (25-30 Mrds/an), soit l’équivalent de deux fois le montant actuel annuel dédié au programme de recherche Horizon. Des Etats comme l’Estonie et l’Espagne se sont déjà positionnés en faveur d’un budget européen de 2% du Revenu national brut (RNB) contre le 1,07% actuels (hors plan de relance).
La Commission prévoit toujours de présenter le CFP en juillet 2025. En attendant, le Commissaire Serafin a prévu un "Tour de l’Europe", et a lancé une série de consultations publiques pour les douze semaines à venir auxquelles la Nouvelle-Aquitaine envisage de répondre dans le cadre de la coalition pour la Cohésion et individuellement.
Le Parlement européen est en train d’adopter ses premières positions en commission au Budget dans un rapport écrit à deux mains entre le groupe de droite PPE et le groupe de gauche S&D. Ce rapport va plutôt à l’encontre des schémas imaginés par la Commission européenne.