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Les régions partenaires organisent un débat sur les résultats des élections européennes

Le 12 juin, la Nouvelle-Aquitaine, l’Emilie-Romagne, la Hesse et la Wielkopolska ont invité quatre journalistes dans leurs locaux communs à Bruxelles pour présenter les résultats du scrutin lors d’une conférence intitulée "Europe has voted".

Discours d'Isabelle Boudineau © Eric Berghen

L’événement a été ouvert par Isabelle Boudineau, Conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine en charge de l’Europe et des coopérations européennes. Dans son propos, elle a rappelé les grandes épreuves que l’Europe a dû affronter au cours du dernier mandat : Brexit, Covid – avec une solidarité en réponse à la crise, la guerre russe en Ukraine, l’inflation, les tensions agricoles, la guerre au Proche Orient. Cette période a aussi été marquée par l’application de la conditionnalité en matière d’Etat de droit sur le versement des fonds européens, ainsi que par le Green Deal, un début de réponse au changement climatique. Pour l’élue régionale, la solution réside dans une Europe plus forte et un budget en lien avec ses chantiers fondamentaux: la compétitivité, la solidarité et la coopération. Au sujet du scrutin, Isabelle Boudineau a regretté qu’avec le choc de la dissolution de l’Assemblée nationale, on ne parle plus d’Europe en France, très rapidement après l’annonce des résultats. Elle a enfin mentionné le courrier adressé par 120 régions européennes sur l’avenir de la politique de cohésion à la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (voir article 120 régions européennes, dont la Nouvelle-Aquitaine, écrivent à la Commission pour défendre la politique de cohésion| Europe (europe-en-nouvelle-aquitaine.eu)).

Markus Becker, Chef du bureau de Der Spiegel à Bruxelles, a présenté les résultats des élections en Allemagne, avec: l’AfD qui est le parti avec la plus forte progression depuis les dernières élections, la CDU qui se stabilise voire progresse, le SPD et Die Grünen qui essuient une lourde perte alors qu’ils forment la coalition au niveau fédéral (leurs électeurs se sont soient abstenus, ou ont voté CDU), et enfin le nouveau parti BSW, fondé par un ancien membre de The Left, qui a fait un score impressionnant de 6%. La société allemande se tourne davantage vers la droite, avec des positions conservatrices sur l’immigration et des électeurs qui ont le sentiment qu’ils seront moins bien lotis à l’avenir. Selon Markus Becker, la CDU devrait remporter les élections fédérales en 2025, mais rappelle que c’est déjà ce qui était prévu la dernière fois.

Public © Eric Berghen

En France, Karl de Meyer, Correspondant européen des Echos, a d’abord mentionné le séisme provoqué par l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, quelques heures à peine après les résultats du scrutin européen. Ces derniers placent le RN en grand gagnant, une extrême droite normalisée et dédiabolisée, puis Renaissance de la majorité présidentielle, tout juste deuxième devant le Parti socialiste-Place publique. La liste d’extrême gauche LFI atteint 9,9%. Les Républicains ne récoltent que 7,3% des suffrages. Karl de Meyer rappelle que sur la mandature 2019-2024, le groupe ID – dont fait partie le RN – avait été isolé par un "cordon sanitaire" au Parlement européen. Quant aux conservateurs de l’ECR, moins radicaux mais d’extrême droite, leur rôle pourrait être renforcé étant donné l’étroitesse d’une majorité reposant sur les autres groupes (PPE, S&D, Renew). 

Lorenzo Robustelli, Rédacteur en chef d’eunews.it, a qualifié la situation italienne de "calme" en comparaison des dernières élections. La participation a été moindre. Le parti de la Première Ministre Giorgia Meloni, Fratteli d’Italia, a obtenu de bons résultats. Bien que le Parti Démocrate ait réalisé un bon en avant avec 24%, la vie politique italienne se polarise. Au niveau européen, c’est le PPE qui a remporté les élections, rien ne pourra donc être fait sans eux, mais le PPE ne pourra rien faire non plus sans les autres groupes politiques. Un problème pourrait aussi se poser au Conseil, avec des majorités plus difficiles à trouver entre les 27 Etats membres, puisque quatre à cinq d’entre eux sont désormais d’extrême droite et d’autres sont faibles (coalitions). 

Pour la Pologne, la Correspondante de la Rzeczpospolita à Bruxelles, Anna Slojewska, a insisté sur le fort dualisme entre les partis PiS et KO. Les élections européennes sont le premier scrutin remporté par Donald Tusk (KO), dans une Pologne divisée. La participation a été plus élevée dans les villes, plus favorables au KO, qu’en zones rurales. Les deux partis n’ont pas gagné de nouveaux électeurs mais ont cannibalisé les autres partis, en ne laissant plus d’espace entre eux: le parti Troisième voie a décliné par rapport aux élections nationales de 2023. Quant au parti Confédération, arrivé troisième, il rassemble des électeurs pour qui le PiS n’est plus assez radical ou apparaît trop corrompu. Malgré tout, le PiS conserve une position très forte et un large socle d’électeurs. Au niveau européen, les positions défendues par Donald Tusk sur le Green Deal ou l’immigration ne sont pas très éloignées de celles du PiS. Selon Anna Slojewska, Donald Tusk et Ursula von der Leyen entretiennent une bonne relation et sont sur la même longueur d’onde en matière de défense ou de migration, par exemple. Donald Tusk attendrait des  "cadeaux" de la part de la présidente de la Commission européenne, notamment pour prolonger après 2026 l’utilisation des fonds du plan de relance, perçus tardivement par la Pologne ; mais également pour se voir dispenser d’application du principe de solidarité (répartition) inscrit dans le Pacte sur la migration et l’asile, en cas d’afflux massif de migrants en Europe.

À la suite des élections du 9 juin, les discussions ont démarré pour l’attribution des "top jobs". Pour Markus Becker, ces nominations devraient aller assez vite et être bouclées fin juin avec Ursula von der Leyen renouvelée à la tête de la Commission européenne, Kaja Kallas nommée Haute Représentante pour les Affaires étrangères et Antonio Costa pour la présidence du Conseil européen. Selon nos informations, cet équilibre pourrait néanmoins être remis en question par les conservateurs, notamment Giorgia Meloni.