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Pacte vert pour l'Europe : nouvelles initiatives concernant les sols, les nouvelles techniques génomiques, les semences et le gaspillage alimentaire et de textiles

Le 5 juillet dernier, la Commission européenne a proposé une série de textes législatifs, complétant ainsi le pilier "ressources naturelles" de son Pacte Vert. Parmi ces propositions figurent le déjà controversé règlement sur les Nouvelles Techniques Génomiques, mais aussi une législation concernant la surveillance des sols.

Si le volet climat du Pacte Vert est quasiment bouclé, le pilier "ressources naturelles" doit, lui, encore être étoffé si l’UE veut respecter ses engagements des Stratégies "Biodiversité" et "De la ferme à la fourchette". C’est pourquoi la Commission européenne a publié le 5 juillet dernier une série de propositions de mesures afin de continuer la mise en œuvre de son Pacte Vert pour l’Europe. Pourtant, à un an des élections européennes, le sort de ces textes, pour certains très clivants et qui vont faire dans les mois à venir l’objet d’intenses négociations entre les Etats membres et au Parlement européen, reste en suspens. 

Ce nouveau "paquet" comprend quatre propositions législatives :

•    Proposition de législation concernant la surveillance des sols : 

Partant du constat que 60 à 70% des sols de l'UE sont actuellement en mauvaise santé, soulignant les risques liés à l’érosion, mais également les coûts liés à la dégradation des sols, estimés à plus de 50 milliards d'euros par an, la Commission propose de fixer un cadre pour la surveillance des sols, ainsi qu’une définition commune de la "santé des sols" au niveau européen. Avec pour objectif ultime des sols de l'UE en bonne santé d'ici à 2050, conformément à l'ambition "zéro pollution" de l'UE. Beaucoup de marge de manœuvre est laissée aux Etats, notamment dans la définition des pratiques à mettre en œuvre par les gestionnaires des sols, dont les agriculteurs, et celles à interdire. L’absence d’objectifs intermédiaires contraignants ne correspond cependant pas aux ambitions de la Stratégie sur la santé des sols de 2021 et certaines parties prenantes regrettent une proposition qui ne permettra pas de se doter d'un cadre juridique européen comparable à ce qui existe pour l'eau et l'air.

•    Proposition de modernisation du cadre législatif sur le matériel de reproduction des végétaux et les matériels forestiers de reproduction :

Au vu de l’importance du secteur (le secteur européen des semences est le premier exportateur sur le marché mondial), l’exécutif européen propose ici d’actualiser et de simplifier les règles actuelles en matière d’enregistrement et de certification des semences, "dont certaines datent de plus de 50 ans".  La Commission se fixe ainsi pour objectif de tenir compte des évolutions technologiques, d’améliorer l’accès aux ressources génétiques et de prévoir des dispositions pour atteindre les objectifs de durabilité de l’UE : par exemple accroître la diversité et la qualité des semences, des boutures et des autres matériels de reproduction des végétaux, garantir la stabilité des rendements par l'adaptation des variétés végétales et au moyen d'essais de durabilité (résistance aux maladies, par exemple). La proposition introduit également des règles adaptées pour les variétés qui se prêtent à la production biologique. Enfin, en ce qui concerne les matériels forestiers de reproduction, l’objectif est d’adapter les forêts au changement climatique et de garantir ainsi leur productivité.

•    Proposition de législation sur les Nouvelles Techniques Génomiques :

Le terme de "nouvelles techniques génomiques" (NTG) désigne un ensemble de nouvelles méthodes scientifiques permettant de modifier le matériel génétique d'un organisme. A ce jour, les plantes issues de NTG sont soumises aux mêmes règles que les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) car ces techniques n’existaient pas encore en 2001 lorsque la législation de l’UE sur les OGM a été adoptée (directive 2001/18 relative aux OGM). L’objectif affiché par la CE pour cette nouvelle proposition est de sortir certaines NTG du champ de la directive OGM afin de développer des variétés végétales améliorées qui résistent aux changements climatiques, aux organismes nuisibles, ont moins besoin de fertilisants et de pesticides et un meilleur rendement. Le cœur de la proposition de la CE est la distinction entre deux catégories de plantes obtenues par NTG :  les plantes jugées comparables aux plantes naturelles ou conventionnelles (NTG de type 1), et les plantes génétiquement modifiées présentant des "modifications plus complexes" (NTG de type 2). Ces deux catégories seront soumises à des exigences différentes pour atteindre le marché. En particulier, la CE propose que les NTG de type 1 ne fassent pas l’objet d’une évaluation des risques et puissent être étiquetées de la même manière que les plantes issues de techniques traditionnelles de sélection.

Cette proposition divise et reste très sensible. A ce stade, elle a reçu un accueil favorable des grandes organisations agricoles européennes (COPA COGECA, CEJA) et d’une partie des Etats membres ainsi que des députés européens de la com AGRI. Cependant, de nombreuses voix s’élèvent également contre un traitement différencié de ces "nouveaux OGM", dénonçant l’absence d’évaluation des risques et d’étiquetage pour le consommateur (pour les NTG de type 1 en particulier), ainsi que le risque de contamination dans la nature. C’est la question de la brevetabilité des NTG qui, à ce stade, concentre unanimement les critiques, et la CE est appelée à éclaircir ce point.

•    Propositions concernant une modification ciblée de la directive-cadre relative aux déchets :

Les chiffres mis en avant par la CE sont édifiants : près de 59 millions de tonnes de denrées alimentaires (131 kg/habitant) sont gaspillées chaque année dans l'UE pour une valeur de marché estimée à 132 milliards d'euros. En outre, environ 78 % des déchets textiles ne sont pas triés séparément par les consommateurs et se retrouvent dans les déchets ménagers destinés à être incinérés ou mis en décharge.

La Commission propose de modifier l’actuelle directive cadre sur les déchets afin d’y introduire de nouveaux objectifs en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire d'ici à 2030 pour les États membres : parvenir à une réduction du gaspillage alimentaire de 10% au niveau de la transformation et de la production et à une réduction globale de 30% (par habitant) au niveau de la distribution et de la consommation (restaurants, services de restauration et ménages). Elle propose également d’accompagner les Etats membres vers l’objectif de collecte séparée des textiles d’ici le 1er janvier 2025, et d’amender la directive-cadre sur les déchets pour établir un cadre commun sur la mise en œuvre d’un système de responsabilité élargie des producteurs (REP) dans le secteur des textiles. 

Ces différentes propositions vont à présent être discutées et amendées par les Etats membres et les députés européens, et suivront un calendrier qui sera propre à chaque texte. Le Parlement a commencé à mettre en place les équipes de négociations, étape difficile s’il en est car les commissions de l’agriculture et de l’environnement revendiquent les mêmes responsabilités. Côté Conseil, la Présidence espagnole souhaite avancer en particulier sur le texte concernant les NTG.  

L’ensemble des propositions de la Commission européenne est disponible ici