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La Commission européenne a présenté la première stratégie pour l’industrie européenne de défense

Les mesures annoncées par la Commission et le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le 5 mars 2024, visent à soutenir la compétitivité de l’industrie européenne de la défense afin de la préparer à répondre à la demande des États membres dans un nouveau contexte sécuritaire, après plus de deux ans de guerre en Ukraine. 
 

La base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) est actuellement confrontée à de nombreux défis. La stratégie de la Commission vise donc à exploiter tout le potentiel de la BITDE et à définir une orientation afin que les États membres puissent investir davantage, mieux, et de façon coordonnée au niveau européen. Les actions proposées par la Commission ont pour objectifs, entre autres, de :

  • Faciliter la définition des besoins collectifs de défense des États membres ;
     
  • Garantir la disponibilité de tous les produits de défense grâce à une BITDE plus réactive ;
     
  • Veiller à ce que les budgets nationaux et européen soutiennent l'adaptation de l'industrie européenne de la défense au nouveau contexte de sécurité ;
     
  • Intégrer une culture de la préparation à la défense dans l'ensemble des politiques, notamment avec une révision de la politique de prêt de la BEI ;
     
  • Développer des liens plus étroits avec l'Ukraine grâce à sa participation aux initiatives de l'Union en faveur de l'industrie de défense.

La stratégie prévoit des objectifs chiffrés d’ici 2030, notamment celui d’acquérir 40% des équipements de défense de façon conjointe (contre 18% aujourd’hui) et celui de dépenser dans l’UE au moins 50% du budget des marchés publics de défense (contre 20% aujourd’hui). 

Dans cette optique, la proposition de règlement instituant un programme européen pour l'industrie de la défense (EDIP) vise à passer de mesures d’urgence à court terme adoptées en 2023 ("Action de soutien à la production" – ASAP – et "Renforcement de l’industrie européenne de la défense par le biais d’une loi commune sur les marchés publics" – EDIRPA) à une approche structurée de long terme, en complément des actions et projets menés dans le cadre du Fonds européen de Défense 2021-2027. L’EDIP permettra notamment l’achat conjoint de produits de défense selon le modèle d’achat anticipé (comme pour les vaccins Covid) ou d’accord d’achat de la production (comme pour le gaz). L'instrument financier FAST (Fonds d’accélération de la transformation des chaînes d’approvisionnement de la défense) proposera un soutien sous forme de prêt et/ou de fonds propres pour soutenir les investissements destinés à améliorer des capacités de production et à faire effet levier vis-à-vis des autres financements publics ou privés pour la défense. Cet instrument permettra notamment de faciliter l'accès au financement pour les PME et les petites ETI (moins de 500 employés).

Avec un budget d’1,5 milliard € pour la période 2025-2027 (voir article Accords sur la révision budgétaire européenne et la future plateforme stratégique (STEP) | Europe (europe-en-nouvelle-aquitaine.eu)), le programme EDIP fera, dans un premier temps, surtout office d’incitation aux États membres à mettre leurs ressources en commun. 

La proposition de règlement EDIP doit maintenant être débattue par le Conseil des ministres et par le Parlement européen afin de parvenir à un texte de compromis qui puisse être voté dans les mêmes termes par les deux colégislateurs. Une consultation publique est en cours jusqu’au 14 mai 2024. Les commentaires reçus seront résumés par la Commission européenne et présentés au Parlement européen et au Conseil dans le but d'alimenter le débat législatif.

Les enjeux budgétaires restant cruciaux pour l’avenir du programme, le commissaire au marché intérieur et à l’industrie, Thierry Breton, plaide pour une augmentation du budget dédié à l’EDIP sur la période 2028-2034. Il considère que "nous devons dès maintenant préparer dans les douze mois la possibilité d’un investissement ad hoc et supplémentaire dans la défense, de l’ordre de la centaine de milliards d’euros". 

La question du financement a également été adressée par les chefs d’Etats et de gouvernements de l’UE lors du sommet européen des 21 et 22 mars, à l’occasion duquel ils ont réaffirmé leur volonté de réduire les dépendances stratégiques de l’UE et de renforcer la BITDE. Les dirigeants européens ont ainsi invité la Banque européenne d’investissements (BEI) à "adapter sa politique de prêt à l'industrie de défense" et envisagent, de manière plutôt consensuelle, de mobiliser les intérêts générés par les avoirs russes gelés. Par ailleurs, la France, tout comme les pays baltes, la Roumanie et le Portugal, soutiennent quant à elles l’idée d’un nouvel emprunt, ce à quoi les pays dits "frugaux" comme l’Allemagne et les Pays-Bas, sont hostiles à ce stade. Les conclusions du sommet appellent le Conseil et la Commission à une exploration de toutes les options et à la publication d’un rapport sur le sujet d’ici juin 2024. La question d’un nouvel emprunt est donc encore loin d’être tranchée.   

Stratégie pour l’industrie de défense européenne (en anglais)

Proposition de règlement établissant le Programme européen pour l’industrie de défense